Dans la maison de Jean, un très vieil escalier
S’échine vaillamment à monter et descendre
Depuis cent cinquante ans. Fait d’un pin un peu tendre,
Il a été foulé par des milliers de pieds
Et en garde la marque incrustée dans son bois.
Un escalier tournant, dit « en colimaçon »,
Qui tournicote ainsi dans la vieille maison
Sans jamais s’arrêter, jusqu’en dessous du toit.
Vous allez m’avancer ( je vous entends déjà !)
Que, non, ce n’est pas lui qui se fatigue ainsi,
Que c’est Jean et les siens ! N’oubliez pas ceci :
Dans les vieilles maisons comme ce très vieux mas,
L’on entend tout craquer : meubles, sol et plancher ;
Tout comme l’escalier qu’on oblige à subir
Ces millions de pas ; qui souffre, sans mentir,
Tout comme s’il montait, descendait, remontait…
Car tout a bien une âme, et Jean s’en aperçut
Un soir du mois de juin. L’air était si cuisant
Sous le vieux toit bancal qu’il ouvrit largement,
Pour pouvoir respirer, la lucarne au-dessus
De l’escalier ravi, qui lors en profita
Pour se carapater et filer vers le ciel,
Y rejoignant enfin un très bel arc-en-ciel
L’attendant patiemment depuis plus de deux mois.
Bien que remis de tout, Jean se mit à crier.
Il fallut le treuiller, puisqu’il était en haut,
Jusqu’au rez-de-chaussée. Il en resta idiot
Sans pouvoir dire un mot pendant des jours entiers.