Mal-être ! Fond du cœur gris comme un ciel d’orage.
Jean sait bien que sa vie n’a plus beaucoup de pages
Pouvant être tournées. Car il a fait son temps,
Le sent dans tous ses os alors que le printemps
Est là dans le jardin, au seuil de sa maison.
Il faudrait qu’il se fasse enfin une raison
Et accepte son âge. Or c’est bien difficile
Quand au bord du chemin de fines fleurs graciles
Ploient sous le vent courbant leurs tiges délicates
Et semblent le berner ; fleurs que les durs stigmates
Du temps ont épargnées. Oui, le printemps est là !
Encore un qui surjoue avec son tralala
De formes, de couleurs, de douceur et d’odeurs
Fraîches comme la brise, à vous tourner le cœur. !
Jean ne le ressent plus comme une grande fête,
Car les sombres idées qui endeuillent sa tête
Lui font tout voir en gris, même dans son jardin.
Jaloux du renouveau, il n’apprécie plus rien
De ce qui l’enchantait il y a peu encore.
Dans l’allée reverdie un oiselet picore
La vie ragaillardie par la lumière neuve.
Des brins d’herbe poussant aussi fort qu’ils le peuvent
Envahissent gaiement toutes les plates-bandes.
La nature est en proie à une sarabande
Aussi folle que celle éclosant dans les nids….
Et soudain, le miracle : abjurant son déni,
Jean prend conscience enfin que malgré son grand âge
Le printemps est bien là, au bout de son voyage…