Le monologue du mélèze

Marseille n’est pas loin, prêt pour la reconquête
Des stations de l’Ubaye. Les soirées sont frisquettes,
Même pour nous, les durs, qui supportons si bien
Les frimas rigoureux de l’hiver qui s’en vient.

Les jours sont bien plus courts. Comme j’ai un peu froid,
Je vais re-concentrer la vie au fond de moi
Pour pouvoir résister en étant moins fragile.
La pente où je suis né est encor bien tranquille

Et j’y suis protégé par d’énormes rochers ;
Personne ne pourrait venir m’en arracher !
Il va bientôt falloir laisser tomber mes feuilles,
Même si leur rejet obligatoire endeuille

La montagne alentour : leur excès de vigueur
Boiraient mon énergie, de l’aubier jusqu’au cœur.
Mais c’est encor trop tôt. Une parure rousse
Me couronne toujours, et la fierté me pousse

A garder plus longtemps mes rudes aiguillons.
Je magnifie l’Ubaye avec mes compagnons
Qui l’automne venu comme moi l’embellissent…
Après nous attendrons que le gel nous raidisse,

Nos aiguilles en tas au pied de notre tronc.
Les sapins toujours verts sans doute se riront
De notre nudité ? Après tout, peu importe !
L’on dirait à me voir que la nature est morte,

Mais le printemps venu viendra me reverdir !
Pour moi l’hiver n’est rien, guère plus qu’un soupir :
Pour les arbres le Temps n’est qu’une facétie,
Là où toute autre vie peut être anéantie

A propos Vette de Fonclare

Professeur de lettres retraitée, a créé un site de poèmes dits "classiques", pratiquement tous voués à la Provence.
Ce contenu a été publié dans Automne, La Haute Provence. Vous pouvez le mettre en favoris avec ce permalien.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.