Griffant le ciel blafard de son ongle acéré,
Le Caramantran braque, en amant de la neige,
Son pic maigre et aigu vers un nuage beige,
Cherchant à transpercer son duvet bien serré.
Et tout à coup, c’est fait : le nuage est troué !
De l’échancrure ocrée s’écoule une avalanche
De milliers, de millions de jolies plumes blanches
Virevoltant au vent avant de se poser
En douceur, mollement, tout en bas sur les prés
Asséchés par l’hiver. La neige, enfin la neige !
La montagne blanchit, et ses formes s’allègent
Tant son profil brutal apparaît émoussé
Par l’édredon tout neuf qui adoucit ses flancs.
Rien n’a encor souillé l’épaisse gaine ivoire,
Pas de traces d’oiseaux ni de souillures noires
Laissées par un intrus sur le pur tapis blanc.
Mais des flocons frondeurs refusent d’atterrir.
Ils valsent tournoyant au souffle de la bise
Pour ne point s’agréger ni surtout donner prise
Au froid les pétrifiant qui les ferait mourir.
Alors ils dansent, virent, remontent au ciel
En un ballet léger comme une sarabande.
Mais implacablement il faut qu’ils redescendent ;
Et comme tout flocon subir l’effet du gel,
Etre à plat, immobile, et se laisser fouler
Par des pieds sans respect, devenir de la fange
Quand on était lumière, aussi léger qu’un ange !
Est-on donc né du ciel pour devenir si laid ?