C’est son anniversaire. Sur l’Ubaye il fait beau,
Alors qu’hier le ciel était plutôt maussade.
La Provence est ainsi, elle est toute en foucades,
Passant du gris au bleu tel le coeur deThibaut.
C’est son anniversaire. Comme celui d’avant,
Il lui paraît bien vide, amer et solitaire.
A-t-il un seul ami sur cette foutue Terre
Qui s’en soit souvenu ? Seul peut-être le vent
Qui tout à l’heure encor rugissait comme un fou
Et qui vient tout à coup de mettre la sourdine,
Violence transformée en une humeur badine
Qui rend ce triste jour tout juste un peu plus doux.
Bien sombre anniversaire. Et si le temps est chaud,
Son cœur est un glaçon.. Tiens, l’on dirait qu’on sonne !
Pourquoi aller ouvrir ? Mais sa voisine Hermione
Ne l’entend point ainsi : après tout peu lui chaut
Que Thibaut soit un ours ! Elle veut le sortir
De sa misanthropie. Sa volonté à elle ?
L’obliger à bouger… Oh, mon Dieu, qu’elle est belle
Avec son doux regard ! Dans sa main, bleu saphir,
Un joli plumbago, petit morceau de ciel
Dans du papier cadeau. «Joyeux anniversaire !
Tu vois comme il fait beau ? Il n’est pas de misère
Qui résiste au printemps car il est l’essentiel.
Vois-tu sur le Cimet ce nuage qui danse ?
Nous allons l’imiter, courir dans la montagne
Et y cueillir des fleurs ! Je serai la compagne
De tes ris et tes jeux. Et je veux qu’on ne pense
Qu’au meilleur de ce monde : la beauté et l’amour.
Il fait beau aujourd’hui, jouissons de l’ivresse
De ton anniversaire. Oublions ta tristesse
Pour ne plus voir entour qu’un éternel retour… »
Il a senti alors se desserrer l’étau
Qui entravait son cœur ; et son âme rebelle
Au bonheur a cédé au charme de la belle
Qui l’a vite entraîné plus haut, toujours plus haut…