Au sommet du Cimet, il y a un lutin
Qui vit paisiblement. Vers le premier décembre,
Branle-bas de combat ; tout au fond de sa chambre,
– Un trou délicieux sous le tronc d’un sapin –
Son portable mugit : vite, il lui faut partir
Pour rejoindre au plus tôt l’Islande laborieuse
Où sont faits les jouets. Une ambiance furieuse,
Survoltée, excitée – à vous faire frémir –
Y règne depuis peu car c’est bientôt Noël.
Les lutins ouvriers doivent donc la rejoindre
Pour bosser jour et nuit ; sans jamais y voir poindre
Un rayon de soleil. Cauchemar annuel !
Mais aujourd’hui pourtant un désarroi tout neuf
Agite le lutin : il ne sent pas du tout cet élan qui l’entraîne
Chaque année vers le Nord. Il geint, renâcle et traîne.
Un brin d’insoumission vient de germer dans l’oeuf
Et il a très envie de rester bien au chaud
Sous le ciel hivernal de sa Haute-Provence.
Foin du père Noël et de ses exigences !
Il n’est point un esclave ! Après tout peu lui chaut
D’abandonner son nid pour faire des joujoux
Qui serviront… un mois ? Il va se mettre en grève,
Même si, ce faisant, il doit briser le rêve
De pauvres pitchounets* tous prisonniers du joug
De la consommation… Mais ce n’est point leur fait
D’avoir été marqués par cette triste époque,
Par cette comédie pour le moins équivoque
Qui confond le Sacré et les tristes bienfaits
De ce fichu fléau, tout le temps, à tout prix,…
Alors, réflexion faite, il agit comme un sage :
Ne songeant qu’aux minots*, il fait donc ses bagages,
Enfourche sa fusée, rejoint Akureyri**…
* Pitchounet, minot : enfant, en Provençal
* Ville du Nord de l ‘Islande… où vit le père Noël