J’aime ce mois si doux, comme on aime un artiste
Dont on sait que bientôt on ne le verra plus
Tant il a a pris de l’âge. Un novembre chenu
Que l’hiver va occire, hiver déjà en piste
Avec ses bataillons tellement détestables !
Mais l’automne s’attarde avec ses reflets roux,
Sa lumière si douce et ses derniers atouts ;
Chrysanthèmes dorés, un temps à peu près stable
Nous rappelant l’été car la pluie est absente
Alors que c’est son temps dans le Midi, chez nous,
Où le mistral n’est pas encor devenu fou.
Curieusement il flotte une senteur de menthe
Dans le jardin fané qui doucement sommeille,
Encor un peu fleuri, bien qu’il fasse frisquet
Quand le soleil se couche. Et il reste un bosquet
Tout moucheté d’or qui gaiement l’ensoleille !
Peut-être que demain l’hiver qui s’impatiente
Va surgir tout à coup au détour du chemin…
Dis, que peut-on savoir de notre lendemain
Quand on sent toujours plus s’accentuer la pente
Qui va nous faire choir : rien de plus impatient
Que la mort qui attend ! Comme le fait l’hiver
Espérant le moment où, d’un parfait revers,
Il s’en va balayer novembre agonisant.