Tout comme l’an dernier, le temps est excentrique.
Il ne correspond plus, tant il est lunatique,
Aux clichés éternels que nous avions de lui :
Le « ver sacrum »* d’antan se serait-il enfui ?
Jour brûlant, nuit polaire : un temps d’on ne sait quand !
La Provence gémit : son printemps fout le camp,
Gardant dans son giron les multiples merveilles
Qu’il nous offrait, jadis. Un temps dont s’émerveille
Encor notre passé. De grands clins de soleil
Suivis de grosses pluies. Des fleurs dont le réveil
Suscitait notre émoi, une infinie tendresse
Pour leurs bourgeons pointant juste après la rudesse
D’un hiver qui savait quel était son boulot :
Ne point laisser aller le froid tout à vau-l’eau,
Recouvrir les semis parfois d’un peu de neige
Pour mieux les protéger, jusqu’à ce que s’abrègent
Les nuits pour plus de jour. Mais là, rien ne va plus :
Cela fait si longtemps qu’il n’a pas encor plu !
L’on est au mois d’avril et déjà l’on arrose,
Nécessaire corvée pour que naissent des roses
Illuminant l’entour de leur radieux éclat.
L’on se fait du souci : que sera l’au delà
De ce printemps fichu ? Encor la canicule ?
Le temps est devenu semblable à une bulle
Qui s’en va éclater tant elle se boursoufle.
Nous, nous sommes anxieux, retenant notre souffle,
Effrayés par ces plaies dont nous sommes la cause.
Mais ne sommes-nous pas que de bien piètres choses ?
*L’expression latine « ver sacrum » que l’on trouve notamment chez Tite-Live, signifie « printemps sacré »