La maison biscornue en haut de la colline
Ressemble à un mirage. Elle a bien triste mine
Avec son toit bossu ; n’est jamais visitée ;
Sa porte bat au vent et on la dit hantée.
Se pourrait-il qu’un jour elle ait été vivante,
Avec des habitants ? Et son vieux toit en pente
A-t-il été frôlé par une gaie fumée
Prouvant à Enchastrayes qu’elle fut animée
Par la vie et l’amour ? Ce n’est pas une ruine,
Mais ses murs sont fanés. Elle a bien triste mine,
Et son toit cabossé est couvert d’une mousse
Aux longs filament verts que le mistral retrousse
Avec ses méchants doigts dès que l’hiver s’en vient.
Il la secoue souvent, mais la maison tient bien,
Accrochée au talus comme barque à son ancre.
Sur ses vitres obscures des sortes de chancres
Sont collés comme s’ils voulaient la dégrader
Juste encore un peu plus. Hideux à regarder…
Mais un jour de printemps s’en vint une famille
Qui s’était échappée d’un pays en bisbille
Où la guerre grondait, et la nuit, et le jour.
Ils virent la maison et se prirent d’amour
Pour ses vieux murs salis et son toit biscornu.
Le plus solide abri qu’ils aient jamais connus !
Lors ils s’y mirent tous, même le plus petit,
Et en un rien de temps, de la vallée l’on vit
Là-haut sur la colline une fière bastide
Qui jamais, non jamais, ne reviendrait au Vide,
Reconstruite à jamais pour la vie et l’amour.
La famille d’émigrants y restera toujours,
La maison biscornue est maintenant bien droite,
Avec des carreaux clairs où le bonheur miroite.
Le beau temps reviendra