A Bédarride*, antan, les jeunes du village
Savaient pertinemment que pour la Chandeleur
Ils devaient fabriquer, comme c’était l’usage,
De tout petits bateaux qu’ils façonnaient en choeur
Et lançaient dès le soir sur la Sorgue, au Vaucroze,
Après y avoir mis des bougies ; puis, fébriles,
Ils couraient vers le pont en aval et, tout chose,
Attendaient l’arrivée de l’esquif si fragile
Qui roulait, cahotait, tanguait, tourbillonnait…
Craignant par dessus tout que leur bougie n’expire,
Les jeunes, coeur battant, priaient et suppliaient
La minuscule flamme ; ils redoutaient le pire :
Son extinction brutale au fil bleu du courant !
Evénement cruel, un très mauvais présage
Pour l’année à venir ! Admonestant le vent,
Les algues, les rochers, ils trépignaient de rage
Et hurlaient pour booster leur barque de papier…
Quand elle était passée, certains étaient ravis :
Leur flamme vacillait, mais ils avaient gagné !
Les perdants grommelaient, maudissant leur bougie…
*Orthographié aussi Bédarrides