Au large du Frioul gît une grande épave
Aux contours oscillant sous l’effet du courant.
Posée sur le roc gris comme un squelette argent,
Elle est tout éventrée de la proue à l’étrave.
Y volent des poissons en essaims innombrables,
Colorés d’arc en ciel, brillamment chamarrés.
En cohortes parfois, quelquefois isolés,
Ils y font la navette et côtoient l’innommable
Car au creux du vaisseau à la quille entr’ouverte
Vit le roi des Ondins. Mollement allongé
Sur une couche d’os et de crânes rongés
Par le sel de la mer, il tient en ses mains vertes
La belle chevelure d’une jeune noyée.
Elle ondoie lentement au gré de l’onde noire,
Encore suspendue à la tête d’ivoire,
Suscitant chez le monstre une ombre de regret.