Point d’étoiles ce soir. Le ciel
N’est éclairé que par la Lune
Dont les rayons comme du miel
Ruissellent au long des rues brunes.
Toute nimbée d’un orbe d’or,
Mais point intégralement ronde,
Elle est élimée sur un bord !
Inclinant sa figure blonde
Sur Marseille tout alangui,
Elle luit anémiée et terne,
Et ses rais lapis-lazuli
Baignent la ville qui hiberne.
La nuit est ponctuée de chats
Posés sur les toits roux qui penchent,
Et leur silhouette incarnat
Rompt le flot de lumière blanche
Qui coule de l’astre amputé.
La Lune usée est bien moins belle
Qu’en sa rondeur! Sa vénusté
Ne tient donc qu’à une lamelle ?
Toujours est-il que tristement
Elle s’est penché sur Marseille
D’où la contemplent deux amants
Que l’heure tardive ensommeille,
Mais qui s’émerveillent, radieux :
N’est-elle point cette planète
Qui encense du haut des cieux
Leur si délicieuse fleurette ?
En les voyant main dans la main,
Doigts enlacés, levant la tête,
La Lune se dit que demain,
Sa symétrie sera parfaite
Et qu’elle leur plaira vraiment.
Mais peu leur chaut ! Entichés d’elle,
Ils n’entendent point son tourment,
En amis fervents et fidèles ;
Car la Lune est belle pour eux ;
Elle est le témoin de leur flamme,
De leurs doux ébats amoureux,
Et elle enlumine leur âme…