La mer est comme un coeur : elle bat, elle irrigue
Vos côtes indigo et nos pays, là-bas :
Ces horizons lointains qu’on ne reverra pas
Car on les a quittés par trop-plein de fatigue ;
Fatigués de souffrir, fatigués d’avoir faim…
La mer est le vecteur d’un destin qui nous mène
Vers un monde rêvé, loin de notre géhenne* !
Fatigués de mourir en n’ayant été rien….
Le gigantesque coeur cyclopéen palpite :
Sang salé jaillissant sont ces flots d’outremer
Semblables au ressac de votre propre mer !
Est commune cette eau qui tournoie et s’agite !
Corpuscules et riens, nous sommes emportés
Comme fêtus légers. La mer est identique
Sur chaque littoral ; son battement rythmique
Nous porte au fil de l’eau et nous fait accoster
Sur un ilot pareil à notre ingrate terre.
La mer est-elle un coeur et son flux est-il sang ?
Et ce sang noir et bleu est-il assez puissant
Pour arracher nos vies à l’extrême misère ?
* Torture