Poème illustré par un tableau de :
Luc Ancel
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Cela fait bien dix ans qu’Estelle a émigré
De son Cambrai natal pour venir s’installer
Près de Saint Raphaël. Enragée de soleil,
Elle ne s’aime que quand son teint, du vermeil,
Vire au marron foncé ! Estelle n’est pas sage :
Croyant que la beauté rime avec le bronzage
Et qu’il faut être hâlée pour être la plus belle,
Elle s’est investie prêtresse sur l’autel
Du soleil triomphant régnant sur la Provence.
Ce n’est plus de l’amour, c’est de l’intempérance !
Et même au mitan d’août, à l’entour de midi,
Etendue sur la plage, elle rissole et cuit.
On a beau la gronder, lui faire la leçon,
Tenter de l’effrayer, malgré tous les sermons
Estelle continue et n’en fait qu’à sa tête !
Tirant avec passion sur une cigarette,
Elle dit en riant que les autres l’envient
D’être jeune et jolie ; qu’elle n’a qu’une vie ;
Qu’il faut en profiter ; que le soleil, c’est bon ;
Que tous ces radoteurs ne sont que de vieux… cons !
Mais dans sa rhétorique il y a un défaut :
Elle ignore qu’un crabe est tapi sous sa peau
Dans un grain de beauté, tout prêt à exploser.
Le soleil ricanant vient encor de gagner !