Combien de temps encor te verrai-je, ma ville,
Quand tu t’éveilles tôt, frôlée par les flots bleus
Aux reflets arlequins de ta mer si tranquille
Ou hachée de remous aux replis anguleux ?
Combien de temps encor ? Nul ne le saurait dire.
Toi qui es si gaillarde et depuis si longtemps
Autour de ton Vieux Port que le Temps doit maudire
Cette solidité léguée par ceux d’antan,
Ces Marseillais issus de la planète entière
Et que leur sang mêlé a rendus si costauds !
Marseille obscur un jour, puis nimbé de lumière,
Marseille éblouissant si l’on se lève tôt…
Combien d’années encor entendrai-je, ma ville,
Ton joyeux brouhaha et l’énorme chahut
Fait par les Marseillais quand un décret débile
Les excite un peu trop ? Quand ne serai-je plus
Qu’une âme énamourée au-dessus de tes rues,
Diluée pour toujours dans le bleu de ton ciel ?
Mais pourquoi ai-je donc ces pensées incongrues ?
Parce que l’âge est là, que son terrible fiel
Corrode tout mon corps de ses rudes blessures !
Que c’est dur d’être vieux et d’avoir mal partout !
Toi, Marseille immortel, tu échappes aux morsures
De ce Temps fou qui passe, anéantissant tout.