En montant vers l’Ubaye, j’ai tout à coup compris
Qu’on est bien peu de chose, et la haute montagne
Me l’a fait accepter. Grimpant pour que s’éloigne
Ce monde qui se meurt sans que l’on ait admis
Au long cours des années qu’on l’a assassiné,
Je me suis enfin dit que l’homme est inutile.
C’est en voyant en-bas la masse d’une ville
Où grouillent tous ces gens que j’ai entériné
Le fait que l’on n’est rien, que la nature est tout.
Autour de moi le roc costaud semble immuable ;
L’air transparent si pur qu’il en paraît cassable
Comme un frêle cristal est malpropre partout
Où vivent des Humains. Mais ici il est sain,
Du moins il le paraît. Et quand je le respire,
C’est toute la fraîcheur du printemps que j’aspire
Jusqu’au fond des poumons ; c’est un matin serein
Au sommet du Pelat où clique le soleil
Qui vient de s’allumer ! Tout en bas des lumières
Qui clignotent encor tout comme des paupières
Essaient de s’arracher à un terne sommeil.
En-haut je suis si bien, ; je les ai oubliés,
Ces hommes sans vergogne et détruisant la Terre
En l’encapuchonnant d’un air si délétère
Qu’on va tous en crever, rongés ou asphyxiés.
Pour le moment, ça va. Je me sens bien ainsi.
Près de moi un oiseau tout serti de lumière
Vient juste d’entonner ses trilles printanières
Pour trouver une belle. Il fait si bon ici
Que j’y voudrais rester jusqu’à la fin des temps…
L’oiseau s’est envolé, peut-être pour rejoindre
L’aimée dans la vallée ? Moi, j’ai cru voir y poindre
Une fumée soufrée qui souille le printemps.