Oh, mon Dieu ! Est-ce vrai que nous allons devoir
Abandonner ce mas qui nous a tous vus naître ?
Cette bâtisse ocrée que vous devez connaître,
Au creux du val d’Astrie ? N’y a-t-il plus d’espoir ?
Notre clan est ici depuis le fond des âges
Et nous n’avons jamais vendu cette maison
Que nous chérissons tous presque avec déraison.
Nous avons décliné pas mal de beaux voyages
Pour retrouver ici pendant les mois d’été
Des enfants, des parents, les gens de la famille.
Oh, ces longs soirs si chauds passés sous les ramilles
Fleurant si bon le frais du grand micocoulier ;
Cette ardente garrigue où cousins et cousines
Jouaient comme des fous, enivrés par l’odeur
Du romarin, du thym, de la lavande en fleurs
Qui les enveloppait d’une senteur divine !
Et cette belle entente, et cette connivence
N’existant qu’entre nous, parées des souvenirs
Attachés au vieux mas ! Ce refus d’avenir
Faisant de nous un bloc soudé par son enfance !
Quand nous avons reçu un jour de la mairie
Ce papier signifiant notre expropriation,
Nous avons ressenti une telle émotion
Que nous avons pleuré. Quant à tante Marie,
Elle a eu un tel choc qu’elle s’est trouvée mal…
Depuis nous attendons, le cœur en bandoulière.
L’autoroute assassine est presque à Eygalières
Et l’on entend non loin pétarader le Mal…