Je vais donc te quitter, ma très chère montagne,
Abandonner ce ciel toujours inachevé
Que découpent tes pics. Haut pays de Cocagne
Indemne de tout mal et encor préservé,
Tu vas tant me manquer ! Lors je ne verrai plus
Le soleil se lever sur l’aiguille acérée
De la pointe Chauvet, gravie par des élus
Que leur passion conduit à ces rudes virées
Les menant au plus haut de la Haute-Provence !
Je ne reverrai plus tes mélèzes dorés
Par l’automne tout neuf, ni la luminescence
Des tout derniers rayons sur l’horizon pourpré ;
Et ces ruisseaux légers émoussant la rigueur
De tes rochers si nus ! Ta beauté immortelle
Ne m’enflammera plus, faisant battre mon cœur
Dès que tu renaîtras à la saison nouvelle.
Mais il me faut partir ; telle est ma destinée.
Impression d’abandon car je vais devoir fuir
Cette harmonie qu’un jour la chance m’a donnée.
Le bonheur d’être ici n’a duré qu’un soupir*…
Je ne te verrai plus, ma très chère montagne.
Retrouver ce ciel pur toujours inachevé,
Je ne le pourrai plus. Car c’est le Temps qui gagne
En désunissant tout. Je vais devoir rêver…
*Quand même quarante ans : un… assez long soupir !