Lovée telle une boule, la jolie pâquerette
A fait de sa corolle un peloton bien clos.
Encor tout nouveau-né, le printemps est éclos
Depuis très peu de temps, et la fière fleurette
Doit tenir bien fermés ses robustes pétales
Pour protéger son cœur, à garder bien au chaud.
Le soleil est palot ? Après tout, peu lui chaut !
Elle est bien comme elle est, close par ses sépales
La corsetant serrée, qu’il vente ou bien qu’il pleuve.
Un modeste soleil depuis peu s’est levé,
Enluminant de roux l’horizon délavé
Par la dernière pluie. L’alpage a fait peau neuve,
Et l’herbe reverdie, chaque jour bien plus drue,
Enserre de ses brins la fleur maintenant prête
Qui, en se déplissant, a entr’ouvert sa tête
Pour boire la lumière enfin réapparue.
Sort alors effaré de la blanche corolle
Un être délicat pas plus grand qu’un soupir ;
Un elfe printanier léger comme un sourire
Qui surgit au soleil tel une cabriole
Pour aider le printemps dans sa grande entreprise :
Rénover la nature et repeindre de vert
Les plantes rabougries desséchées par l’hiver ;
Redonner des couleurs à la montagne grise.
Ses frères et ses soeurs s’éveillent sur les pentes :
Des milliers de lutins qui émergent des fleurs
Dès le premier soleil, si ardents fignoleurs
Qu’ils parfont le boulot d’un printemps dilettante
Aux quatre coins du monde et partout sur la Terre ;
Des milliers de lutins ignorés des humains.
Vous ne me croyez pas ? Allez voir dès demain
Ce petit monde actif et joyeux qui s’affaire
A repeindre gaiement l’herbage tout en vert
Pour en éradiquer les ombres de l’hiver.