Le rebelle

Un bébé enclos dans sa bogue sombre
Avait décidé de ne pas sortir
Du giron bien chaud où blotti dans l’ombre
Il suçait ses pouces en devenir.

Il était si bien, flottant dans l’eau tiède,
Petite grenouille étrange et repue,
Qu’il ne bougeait plus, de peur que ne céde
La coquille frêle de l’utérus. .

Inconscient, béat, il était serein,
Mais il refusait simplement de naître.
Il tétait sa langue et suçait ses mains,
De sa destinée se croyait le maître.

Mais un jour, soudain, il fut englouti
Par un aveuglant torrent de lumière :
De grosses mains nues et un bistouri
Venaient de trancher la fine barrière

Qui le protégeait du monde extérieur.
Il fut extirpé, secoué, pétri,
Lavé en tous sens, et son postérieur
Fut poudré de talc fleurant bon l’iris .

Alors indigné, outré, déconfit
Par la joie bruyante qui l’agressait,
Le bébé furieux , toujours insoumis,
En s’égosillant se mit à hurler .

A propos Vette de Fonclare

Professeur de lettres retraitée, a créé un site de poèmes dits "classiques", pratiquement tous voués à la Provence.
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