L’aube teinte de roux la montagne qui dort,
Encor tout embrumée au-dessus de l’Ubaye.
Nimbant de ses rayons un marmotton qui baille,
Le soleil ranimé l’encapuchonne d’or,
Le métamorphosant en peluche cuivrée…
Tout est encor très calme, hormis le clapotis
Du torrent qui bondit, et un doux chuchotis
Sourdant étonnamment de l’écume nacrée.
Un soleil pâlichon est posé sur l’Estop
Qui penche son sommet au-dessus du village ;
Il n’y a dans le ciel qu’un tout petit nuage
Qui s’y est accroché depuis deux jours, non-stop,
Et n’en veut point partir. Bien jolie broderie
Que la brise rudoie du matin jusqu’au soir,
Mais qui ne bouge pas, ne paraît point vouloir
Se disperser enfin. Une bizarrerie
Du ciel calme de juin refusant d’effacer
Ce plumet cotonneux qui se croit immuable !
Le temps s’est arrêté. Maudit temps détestable
Qui veut tout abolir, transformer en Passé
Toute chose jolie et qui semble immortelle !
Le nuage figé depuis deux jours entiers
Au-dessus de l’Estrop sous le soleil altier
Veut faire croire à tous que n’est pas éternelle
L’inéluctable course implacable du Temps.
Il est blanc, floconneux, tout rond comme une boule
Ou un agneau dodu. Et le torrent qui roule
Fait bouger son reflet sur le flot froufroutant…