Oh, ce petit matin ! La fragrance des fleurs
Enivre les oiseaux qui pépient à tue-tête !
Je sens vibrer en moi les frissons du bonheur,
Et j’aspire assoiffée les ondes guillerettes
Sourdant avec vigueur du soleil roux qui clique…
Il est vraiment très tôt ; je n’ai pu résister
Aux tout premiers rayons cuivrés et féeriques
Qui ont frôlé le lit pour mieux m’en arracher,
Après s’être glissés entre les deux volets…
Le monde est rénové, il est comme une épure.
Le ciel d’un bleu terni vient d’être ravalé
Par un pinceau géant. L’atmosphère est si pure
Qu’il se pourrait très bien que soudain elle tinte !
Tout est calme alentour, il fait encor bien frais.
Au-dessus du toit bleu la lune s’est éteinte,
Ne laissant dans le ciel qu’un soupçon de regret.
Je suis seule au jardin ; toi tu es endormi,
La peau tout embuée de moiteur estivale.
Ne peux-tu t’éveiller ? J’aimerais tant, ami,
Que tu sois près de moi… Oh, le soleil avale
Le tout dernier lambeau de la lune mourante !
Encore demi-sphère, il est juste posé
Sur l’horizon à l’Est. Et la mer amarante
Double comme un miroir le ciel vaste et rosé.