Poème illustré par un tableau de :
Slawomir Bzdziuch
Il y avait jadis, sur les bords de l’Ubaye,
Une antique chapelle. Un unique vitrail
L’éclairait joliment grâce aux rais de soleil
Qui tachaient le carreau de larges traits vermeils.
Serti dans ce vitrail, un jeune pastourou,
Entouré de moutons et toujours à genoux,
Suppliait le Seigneur. Petit saint ignoré
De la plupart des gens, il priait sans arrêt,
Les yeux tournés au ciel dans sa cage de verre.
Pourquoi était-il là ? Qui était-il ? Mystère…
Mais un soir de printemps, il y eut un orage
Et l’Ubaye déchaînée, dans son énorme rage,
Détruisit la chapell(e), n’en laissant que débris.
Le vitrail explosa et l’enfant en surgit
Avec un seul mouton. Des autres il ne restait
Que des éclats de verre et du plomb fracassé !
Le petit saint ravi n’attendit pas son reste,
Et retrouvant soudain la parole et les gestes
D’un gamin ordinaire, il se carapata.
Ras le bol de l’Eglise et marre de la foi,
Oubliée l’effigie prisonnière du verre !
Redevenu humain par un fort grand mystère,
Le petit saint s’enfuit bien loin de l’oratoire,
Oublieux du passé et de sa triste histoire.
Il s’en vint simplement vivre à Barcelonnette,
Comme un brave laïc, sans se prendre la tête.
Quant au mouton ravi, il s’en fut dans les prés
Où, comme ses copains, il apprit à brouter.