Il y a bien longtemps qu’Adrienne a appris
Qu’était enfin fini l’effroyable conflit
Qui lui a pris son fils ? Terminée, cette guerre,
Après ces quatre années de ruine et de misère !
Depuis combien de temps l’attend-elle ? Où est-il ?
Pourquoi parfois ce doute agaçant et subtil
Qui effleure son cœur pour y semer la crainte ?
Eventualité rapidement éteinte
Et qu’il lui paraît vain de même envisager !
Elle doit être forte et ne peut déroger
A son bel optimisme. Il faut rester sereine…
Ou du moins essayer. Ne pas montrer sa peine,
S’accrocher à l’espoir, penser que Gaëtan
Est vivant quelque part, et que dans peu de temps,
Il reviendra chez lui pour retrouver sa mère.
En voir d’autres rentrer ne la rend pas amère
Tant elle est assurée qu’il est sur le chemin.
Elle attend… puis se dit que sans doute demain
Elle verra là-bas poindre sa silhouette…
Patiente et obstinée, Adrienne s’entête
A aller tous les jours guetter le train du soir.
Esseulée dans la gare aux lugubres quais noirs,
Elle attend qu’il n’y ait strictement plus personne,
Et puis elle repart, au moment où résonne
La cloche signalant qu’on va bientôt fermer.
Elle attend son petit, ne se lassant jamais
D’espérer et de croire. Où qu’il se trouve encore,
Elle sent qu’est vivant cet être qu’elle adore,
En est persuadée. Confiante dans son sort,
Elle ne peut songer un instant qu’il est mort :
C’est chose inacceptable. Quelle idée impossible
Pour la mère qu’elle est, et incompréhensible !
Un espoir aberrant, bêtement triomphant ?
Comment donc pourrait-on survivre à son enfant ?