Poème illustré par un tableau de :
Gustave Caillebotte
(1848-1894)
Elle est à sa fenêtre, anxieuse, et elle attend
Qu’il rentre à la maison. Une terrible angoisse
Commence à la hanter. Depuis combien de temps,
La ronge ce souci ? Elle a peur qu’il ne croisse
Tant qu’ils vivront ici, dans cet appartement…
Et pourtant quelle joie quand un beau jour Marseille
A ouvert grands ses bras à la jeune maman
Echouée dans la ville étalée au soleil…
Et puis son vieux mari, fatigué, se lassant
De devoir supporter un travail difficile,
Est retourné au bled un soir en la laissant
S’occuper des enfants parfois si difficiles !
On n’est pas mal ici. Au loin, l’on voit la mer.
Beaucoup voudraient avoir une aussi jolie vue !
Mais ces soucis rampants rendent son cœur amer.
Où est donc la vie douce et tranquille prévue
Avant de traverser ? Son fils qui a vingt ans
Déraille depuis peu. Minée par l’inquiétude,
Elle voit qu’il se perd, l’idiot, en fréquentant
Une bande de fous qui siègent d’habitude
Au pied de leur immeuble. Là, elle a vraiment peur,
Il devrait être là, elle se sent malade,
Sa tête est envahie par d’étranges vapeurs…
Il va lui raconter tout un tas de salades,
Mais elle n’en peut plus de faire la leçon.
« On vient de retrouver deux corps dans la garrigue »,
Dit-on à la radio. Pas lui, pas son garçon…
Son cœur tout affolé bat aussitôt la gigue.
Oh non, non, par pitié ! Car c’est ce qu’elle craint :
Qu’il aille un peu trop loin et se fasse descendre
Par l’un ou l’autre camp, parce qu’il a enfreint
Leurs terrifiantes lois. N’en pouvant plus d’attendre,
Elle va malgré tout préparer le dîner
Quand elle entend soudain une clé dans la porte.
« Salut, M’man ! M’en veux pas, mais j’étais au ciné. »
Elle voudrait parfois que le diable l’emporte…
Ouf ! C’était moins une
Très bien ficelée cette angoisse, ce suspense
Je vous lis pour la première fois et j’ai adoré ,vos mots cette angoisse si bien décrite merci 🙂