Poème illustré par un tableau de :
Marie-Guilhelmine Leroux-Delaville
(1768-1826)
Une femme d’ébène avance sur le sable,
Une statue sculptée dans un lisse bois noir,
Sombre comme le jais ; et la lueur du soir
Scintille sur sa peau au grain inimitable.
Elle est si belle ainsi que la plage s’est tue
En la voyant passer. Un bronze modelé
Luisant sous le soleil qui l’inonde du lait
De ses rayons pâlots. Africaine statue
Dont la tête dressée est comme une orchidée
Aux pétales obscurs. Son corps mince et musclé
Oscille lentement, et les sombres reflets
Du ciel ennuagé parent sa peau fardée
De nuit et de lumière. Elle va quasi nue,
Mais sa naïveté, telle qu’à sa naissance,
Ne saurait offenser. Aucune inconvenance
Dans sa beauté primaire et sa grâce ingénue !
C’est l’Eve originelle. Elle est belle, elle est noire,
Elle marche à grands pas ; ses cuisses effilées
Sont de sombres fuseaux d’ébène ciselée.
Sous le ciel embruni, la mer vire à l’ivoire.