Poème illustré par un tableau de :
Paul Cézanne
(1839-1906)
Te souviens-tu, mon coeur, de la vieille maison
Où nous fûmes heureux il y a fort longtemps ?
C’était un très vieux mas non loin de Cucuron,
Perdu dans le maquis, tout tordu et gîtant
Sur la lande pelée comme un bateau sur l’eau
Pendant une tempête. Une antique bâtisse
Fissurée de partout, mi-ferme-mi château,
Aux volets vermoulus couleur de myosotis.
Quand l’hiver secouait ses murs tout délabrés,
Nous allumions dans l’âtre un feu presqu’inutile ;
Dehors le vent hurlait et cherchait à entrer,
Malmenant la maison de ses coups malhabiles.
Mais dès que le soleil revenait, au printemps,
Nous y laissions entrer la lumière à grands flots
Pour chasser les relents du triste mauvais temps ;
Les parfums de la lande arrivaient au galop
Et imprégnaient d’odeurs le salon décrépit
Lavé subitement des maux de sa vieillesse.
C’était un très vieux mas à l’allure flapie,
Mais nous nous en fichions, forts de notre jeunesse…