Poème illustré par un tableau de :
Jean-Auguste Ingres
(1830-1902)
Il est vraiment très tôt, et la mer est très calme.
Emma vient d’y plonger car tout sommeille encor
Sur la plage endormie, où le chatoiement d’or
Du soleil matinal fait scintiller les palmes
D’un immense phoenix se gavant de lumière.
La belle se sait seule. Elle est si belle ainsi,
Idéalement nue ! Et sans le vil souci
D’un voyeur indécent, la jolie barbotière
Joue en faisant gicler l’eau encor un peu froide.
Sa peau luisante et ferme est comme un lourd satin
Qui luit dans la lueur du tout petit matin
L’auréolant de bleu. Les jambes un peu roides,
La belle saute et court. L’exercice réchauffe,
En l’enfiévrant un peu, son long corps dénudé,
Aussi mince que beau, et aux muscles bandés
Par le jeu et l’effort. Seule une catastrophe
Pourrait à la rigueur la priver de baignade !
D’autant plus que Marseille, et tous les Marseillais,
Sont encor dans leur lit : personne pour épier
La parfaite beauté de la belle naïade
Sportive et lève-tôt… Trempette quotidienne
Et quel que soit le temps ! Ne peut en profiter
Qu’un très léger mistral, que sa malignité
Pousse à frôler de près la jolie Phocéenne
De son souffle coquin. Mais Emma n’en a cure,
Car elle fend les flots qui hérissent sa peau
De leur froide morsure. Et le baiser de l’eau
Eveille dans sa chair un soupçon de luxure…