Poème illustré par un tableau de :
Amédée Baudit
(1825-1890)
Certains matins d’été, il fait déjà si chaud
Que l’horizon tremblote et que l’air sur la Crau
Frissonne de chaleur au tempo des mirages.
Existe-t-il encor ce qu’on nomme un nuage
Sur des terres d’ailleurs ? Phénomène oublié :
Nous n’en avons pas vu depuis deux mois entiers
Et rien ne vient troubler l’immuable lumière,
Sauf parfois un oiseau qui zèbre le ciel clair.
Mieux vaut se lever tôt : c’est encor respirable,
Surtout quand un vent bleu dévale des Alpilles ;
Quand la plaine à leurs pieds a des reflets jonquille
Sous le soleil levant dont les crocs redoutables
Ne broient pas trop encor ses cibles préférées.
Oublié par la nuit, un zeste de fraîcheur
Subsiste même au coeur de vigoureuses fleurs
Qu’ont encor épargnées la furie de l’été.
Mais elles ne vont pas résister bien longtemps.
La chaleur va jaillir, et de grands aspersoirs
S’en vont expectorer du matin jusqu’au soir
Sur les champs asséchés un crachin toussotant.