Assis sur la montagne il y a un nuage.
Un nuage tout rond, gigantesque ballon
Tout boursouflé de pluie. Un nuage marron
Retenant tant qu’il peut un formidable orage.
Il est très bien ainsi, il flotte et se repose
A l’aplomb d’un grand lac où nagent des canards.
Il s’y sent très à l’aise et somnole, peinard,
Même si tout en bas l’on voudrait qu’il explose
En longs éclairs zébrés purifiant l’atmosphère
Car le temps est si chaud qu’on en est étourdi.
L’on étouffe et l’on brûle ; il est presque midi
Et depuis ce matin l’on ne peut plus rien faire
Tant on est harassé par cette canicule.
Le nuage n’entend point du tout éclater
Ni se répandre en pluie ! Mais ses flancs dilatés
Sont tellement gonflés que l’eau s’y accumule
Et qu’il peut déflagrer en un orage énorme
D’une minute à l’autre. Il se dilate encor,
Fusant inconsciemment en longues flèches d’or
Dans le ciel obscurci où le vent le déforme,
L’étalant maintenant en une immense masse.
Il ne peut désormais plus du tout contenir
Cette eau qui le distend : n’y pouvant plus tenir,
Il éclate soudain, et des billes de glace
Comme un torrent furieux dégringolent la pente.
Là, c’est peut-être trop ! Mais l’air soudain plus frais
Et bien plus supportable nous fait vite oublier
Les excès d’un temps fou. L’atmosphère pesante
S’est enfin allégée. C’en est fait du nuage !
Il s’est changé en pluie qui, dévalant à fond,
Se mélange à l’Ubaye tout au creux du vallon.
Le nuage n’est plus, ce n’est plus qu’un mirage…