Poème illustré par un tableau de :
Arnold Bocklin
(1827-1901)
C’est un homme épuisé, et par tant de tempêtes
Que jamais nulle part il n’a pu s’établir,
Ni construire une vie, ni prévoir, ni bâtir…
Cicatrices partout, des pieds jusqu’à la tête.
Son coeur fut déglingué par trop de coups du sort,
Son destin brimbalé de chagrins en malchance !
Sans cesse rudoyé par une providence
Qui l’empêcha toujours de parvenir au port,
C’est un homme abîmé : il a pris tant de coups
Qu’il risque à tout moment l’irrémédiable casse ;
Vieil instrument usé, antique contrebasse
Aux cordes trop tendues ! Ce fut un casse-cou.
Il n’est plus qu’un quidam constamment sur ses gardes,
Un homme délabré précocément usé
Qui espère toujours et, se croyant rusé,
Tente d’entourlouper l’indomptable camarde
En vivant chichement des jours inaboutis.
Sa vie fut un combat stérile et inutile,
Et, comme toute vie, éminemment fragile !
C’est un héros d’hier qui vit au ralenti…