On voudrait quelquefois se cramponner au temps,
L’empêcher de passer inexorablement
Quand le bonheur est là ! S’y tenir agrippé
Comme un jeune nageur s’accroche à sa bouée…
C’est un beau jour d’été. On est bien tous les deux
Allongés sur la plage ; et le ciel est si bleu
Qu’il paraît impossible à qualifier d’un mot…
Le soleil peint en rose le haut de ton dos :
Attention, mon amour, car il est redoutable !
On est si bien tous deux affalés sur le sable,
Nous sentant si heureux que notre coeur s’emballe
A battre un peu trop fort… Ce bonheur anormal
Tant il est inouï nous fait rire de rien…
On se lève d’un bond, et la main dans la main,
Nous courons en riant, tentant de galoper
Dans le sable qui crisse en voulant nous freiner,
Jeunes comme des dieux et beaux comme des arbres…
Mais pourquoi donc le temps n’est-il pas fait de marbre,
Insensible au futur, à l’âge et à l’usure ?
Aucune rémission, pas de demi-mesure…
Les beaux jours sont enfuis et me voici bien vieux,
Et bien seul, et bien las… C’était bien d’être deux,
Mais l’on était hier, et le temps a passé.
Un nageur fatigué a lâché sa bouée…