Il était une fois un tout petit oiseau
Minuscule avorton, gros comme un pouce, à peine !
Qui aurait souhaité chanter à perdre haleine
Au début du printemps comme ses commensaux.
Mais son timbre de voix était aussi fluet
Que lui était chétif. Si bien que les oiselles,
L’entendant siffloter ses maigres ritournelles,
Préféraient ses rivaux et leur chant guilleret.
Il tomba amoureux : un sale coup du sort !
Il décida alors de forcer sa nature
Et de forcer sa voix jusqu’à l’outre mesure
Pour que soient remarqués les superbes accords
Emanant de sa gorge. Il gonfla son jabot,
Essaya de siffler pour séduire sa belle,
Ne parvint à émettre – hélas ! qu’une kyrielle
De sons si discordants que les autres oiseaux
Fuirent au bout du ciel. L’infime tout petit
Se retrouva tout seul perché sur sa ramille.
Et se perpétuer, fonder une famille ?
Mieux valait renoncer car il était maudit…
Ce qu’il ne savait pas, ce malheureux raté,
C’est que l’oiselle aussi avait une crécelle
Dans le fond du gosier ; que tous se moquaient d’elle
Et la persécutaient pour son chant… frelaté !
Elle vint se poser, tout près, sur le rameau,
Le becqueta tout doux pour effacer sa peine,
Et depuis lors tout deux crient à perdre haleine,
Ignorant de concert combien leur chant est faux.
Leur voix est disgraciée ? ils s’en moquent pas mal,
Et dans leur nid bien chaud, c’est toute une marmaille
D’oiselets tout dodus qui coassent, criaillent,
Affublés eux aussi d’un problème vocal
Qu’ils assument fort bien : ils sont nourris d’amour,
Et c’est là l’essentiel pour être heureux, toujours…