Un oiseau s’est posé là-haut sur la Chalanche.
Il a fait tant d’efforts qu’il se sent tout recru
D’une énorme fatigue. Il n’aurait jamais cru
Y parvenir un jour ! Mais dans l’aurore blanche
Il se sent sublimé, comme le roi d’un monde ;
Un monde désolé, un univers de pierre
Mais d’où, auréolé d’un halo de lumière,
Il peut tout dominer à des lieues à la ronde.
En bas, tout est petit, incertain, minuscule
Comme lui ce matin, quand il n’était qu’un rien,
Rien qu’un souffle emplumé, un minus aérien.
Il se sent désormais un oiseau-majuscule
Perché sur un piton. Tout enflé de gloriole,
Il surplombe le monde en s’en croyant le roi…
Pauvre petit oiseau ! Quel serait son effroi
S’il savait qu’il n’est rien qu’une pauvre bestiole
Qu’un aigle vient de voir du côté de l’adret :
Une bouchée dodue ! Sauve-toi, tout-petit ;
Soustrais-toi sur le champ au sauvage appétit
De l’énorme rapace aux griffes acérées !
Regarde vers le ciel, lève un plus peu la tête.
Tu peux avoir le temps de vite t’envoler
Vers ce creux, là, tout près, pour y dégringoler ;
Ne point être avalé par la funeste bête…
Je n’en dirai pas plus : selon votre nature
– Un pessimisme noir, un optimisme né –
Vous pouvez le sauver ou bien le condamner !
Imaginez tout seul la fin de l’aventure…