Poème illustré par un tableau de :
Lucie Allard
Alentour, là dehors, coexistent le monde,
La Provence, le ciel et la Terre bien ronde
Gravitant dans les nues. Et pourtant, tel un roi,
– Microbe minuscule, exempt de tout effroi –
L’on se croit essentiel. Bien que l’on n’y occupe
Qu’une place congrue, tous les Hommes sont dupes
D’un rêve merveilleux : se croire indispensables !
Idée qui les séduit ! Fable déraisonnable :
Nous sommes tous mortels, éminemment fragiles,
Et ne sommes qu’un rien. Statuettes d’argile
Au creux de l’Univers, nous prenant pour des dieux,
Nous voulons oublier qu’il nous faut dire adieu
N’importe où, quel qu’on soit, à n’importe quel âge,
Tout petits, si petits, négligeant les ravages
Du Temps qui passe et fuit tout en nous emportant…
Mais Toi, qui es-tu donc pour te croire important ?
C’est comme la Provence : elle semble éternelle,
Hiératique, figée dans la sempiternelle
Dégradation de tout. Et pourtant elle aussi
S’érode peu à peu ; elle est à la merci
Du Temps inassouvi, mais sur une autre échelle.
Ma Provence jolie qui te crois immortelle,
Tu ne l’es guère plus que tous ces roitelets,
Eux-mêmes aussi chétifs que certains oiselets
Agrippés mordicus à leur petite vie.
Pourtant nous restons là, et n’avons qu’une envie :
Poursuivre très longtemps ce dérisoire tour
Sur le manège fou et incertain qui court
Vers l’implacable fin, nous croyant des titans,
Alors que notre vie n’est qu’un fort bref instant.