Sous un vieux romarin embaumant la colline
Est creusé un terrier où vit un lapin bleu.
Dès qu’il pointe une oreille, on n’en croit pas ses yeux :
Quatre pattes-ressort, poil léger, bonne mine,
Mais le tout couleur ciel ! Vous en restez pantois,
D’autant qu’il prend sitôt la poudre d’escampette,
Vous laissant l’illusion que vous perdez la tête :
C’est un lapin qui cause un fulgurant émoi
A quiconque le voit ! Etrange anomalie
Ou mutation d’un gène ? Il n’est pas un chasseur
Qui ne rêve d’occire un rêve aussi farceur
Mais il est bien trop vif, si grande est sa folie
Qu’ils peuvent tous courir : ils ne l’auront jamais !
Et il en est ainsi pour mes fieffés poètes :
Ce sont des lapins bleus et de vrais trouble-fête
Dont la façon de dire égare et peut semer
Un trouble abasourdi dans la gent littéraire.
Ils usent de leurs mots d’une étrange façon,
Même s’ils sont communs. Etrange est leur chanson
Difficile à saisir, mais il faut vous y faire
Car ces poètes-là, ce sont mes lapins bleus,
Rimailleurs déjantés dont le jargon sautille,
Dont on trouve parfois que l’oeuvre est trop gentille,
Mais tout emplie du ciel d’un monde fabuleux.