Poème illustré par un tableau de :
Paul Cézanne
(1839-1906)
Quelques joueurs pensifs, loin de tout, concentrés.
Ils sont si absorbés qu’on peut crier : « Au feu » !
Ils ne sont plus ici, rien ne peut les troubler,
Il n’existe plus rien en dehors de leur jeu .
Tous les après-midis ils sont enracinés
Dans ce petit café du fin-fond de l’Estaque.
Ils coupent, se défaussent, poussent des cris d’orfraie,
Et c’est sans les gêner que la serveuse vaque
A son activité pontuée de fous rires.
Mais eux ne savent plus où ils sont, qui ils sont
Tant ils sont absorbés par leur jeu, leur délire…
Un gros ventilateur virevolte au plafond
Car il fait chaud, très chaud : ils n’en ont rien à faire !
Plus rien n’a d’importance, seules les cartes comptent.
Chaque jour de l’année ils sont là, et la Terre
Peut aller de travers sans qu’ils s’en rendent compte.