Six dormeurs, six gisants. Six êtres que la mer
Caresse aimablement ; et ses baisers amers
Effleurent en douceur leurs lèvres refermées
Depuis peu, bien trop tôt. Elle est accoutumée
A devoir héberger ces hôtes incongrus
Qui gisent par le fond ; ces humains presque nus
Au destin émouvant, qu’un naufrage effroyable
A tués récemment et coulés jusqu’au sable
Doux et dur à la fois du monde aux mille écueils,
Ce monde sous-marin devenu leur cercueil !
Sans vergogne, les eaux curieuses se faufilent
Dans les méandres noirs des poumons si fragiles
Des dormeurs apaisés – sans doute une illusion !
Ores* indifférents à l’odieuse intrusion.
Allongés côte à côte, une femme et cinq hommes
Liés par le malheur. Rassemblés là tout comme
Une famille unie pour un calme sommeil.
La femme porte encor un long voile vermeil ;
La mer chaude en ceignant son torse d’algues vertes
L’a vêtue d’émeraude ; et l’ayant recouverte,
Pallie en la berçant l’inconfort de son lit.
Mais peu chaut à son corps, dont le temps aboli
Est maintenant serein… La Méditerranée
Va dissoudre tout doux la belle profanée.
*Maintenant