Poème illustré par un tableau de :
Padrig
Il y a bien longtemps qu’on ne dit plus: « Je t’aime »
A ceux qui nous sont chers ; que bêtement l’on croit
Etre ainsi bien plus fort ; qu’éprouver de l’émoi
Ne peut que susciter aussitôt l’anathème
De tout un tas de gens ! Oh, quelle triste époque…
Quel dommage, mon Dieu, qu’il faille ainsi cacher
Qu’on a le cœur sensible et point trop asséché
Face aux malheurs du monde, alors que tant se moquent
Des souffrances d’autrui ! Bien triste indifférence,
Terrifiant égoïsme ! Et pourtant je connais
Un endroit merveilleux car l’amour y renaît
Chaque jour renforcé. C’est en Haute-Provence,
Et l’on n’y cache point qu’on a encor une âme.
Un village en montagne, un village perché
Comme il y en a tant en ces lieux où rochers,
Falaises et glacis forment un amalgame
Terriblement austère ; mais un curieux mystère
A fait de ce vieux bourg un lieu déconcertant
Où chacun se sourit avec l’air avenant
Des gens sachant aimer. Pourtant rude est la terre
Où ils doivent lutter chaque jour de l’année
Pour en tirer un fruit ! Mais bien peu leur suffit,
Ils ne sont point envieux, se moquent du profit,
Et ils souffrent vraiment quand la belle Renée
De la famille Mourot s’avère très malade ,
Ou quand le vieux Raymond perd son fils tant aimé…
Naturellement bons ! Seul peut les déprimer
Le malheur chez autrui. Jamais une empoignade !
Je ne vous dirai point le nom de ce village
Où nul ne doit venir, qui pourrait apporter
Avec lui le cynisme d’un monde effronté
Où ne dominent plus que le lucre et la rage.
Dormez-y bien, amis, dont le cœur est si pur
Qu’il est tout aussi clair que votre ciel azur…