Chez les Fabre, à Marseille, il meuble le salon :
Un vieux piano branlant tout empli de musique,
Dont les touches jaunies virent au même ton
Que les dents encrassées d’un vieillard tabagique.
Il est un peu bancal et tout désaccordé,
Possédant des vieux trucs l’incomparable grâce.
Si pesant qu’il ne peut plus être déplacé,
Il est à tout jamais enchaîné à sa place
Comme l’est un murex collé à son rocher.
De sa voix d’asthmatique, il retentit encore
Des vieux airs d’autrefois au son parfois cassé
Que trillaient un peu faux d’anciennes castafiores.
On essaie quelquefois de le faire chanter,
Bien qu’il soit discordant et casse les oreilles.
C’est un piano bancal aux cordes enrouées,
Et qui, de temps en temps, quand la maison sommeille
Se met à jouer seul, hanté par son passé.
On n’a même plus peur, et cette extravagance
N’émeut vraiment personne : on est habitué !
Pour lui faire plaisir, quelquefois même on danse…