Juché sur un rocher vraiment très escarpé,
– Et l’on ne sait comment il a pu y grimper !
Un bouquetin géant se frictionne à la pierre
Pour se débarrasser de son manteau d’hiver.
Il est vraiment très vieux : peut-être vingt-cinq ans ?
Mais la mue le démange : il se gratte les flancs
De ses cornes courbées comme des cimeterres ;
Son épais poil hiémal se détache en lanières.
Plus loin la harde dort : des mâles désoeuvrés,
La panse rebondie pleine des graminées
Toutes neuves et tendres du nouveau printemps.
Là-bas un éterlou bégète en chevrotant.
L’ancien secoue la tête, et sa barbiche beige
Où se sont accrochées quelques bribes de neige
Lui donne l’air matois d’un vieux faune lubrique.
Puis absolument sûr de son pas, hiératique,
Car malgré son grand âge il est encor agile,
Il redescend au coeur de la harde tranquille
Sautant de bloc en bloc comme un équilibriste.
Puis il s’en va brouter un exquis pied de cistes…