Poème illustré par un tableau de :
Chaïm Soutine
(1893-1943)
Le vent, encor le vent, toujours ce vent qui souffle
A nous rompre le cœur à force de rebonds ;
Ce vent qui tonitrue, qui jamais ne s’essouffle,
Hurlant depuis huit jours, dément et furibond ;
Le vent, un vent brutal tel que les Provençaux
N’en ont plus jamais vu depuis moultes années ;
Brisant les chênes verts comme des arbrisseaux,
Un titan régissant des hordes déchaînées
Qui soulèvent les flots comme des chiffes molles
Et les jettent en vrac sur les digues des ports.
Entraînant la poussière en farandoles folles
De pollen tournoyant qu’il a pailleté d’or,
Le vent, ce vent géant, le terrible Mistral,
S’époumonne et rugit depuis une semaine.
Un vent mauvais et fou, hors de norme et brutal
Qui nous cogne à grands coups et nous fait perdre haleine !
Il s’est même invité tout là-haut sur les Alpes
Jusqu’au Brec encor blanc ; et au pied du Cimet,
Il rudoie la montagne et rageusement scalpe
Les mélèzes dressés juste sous le sommet.
Ce vent nous rend jobi, nous en devenons fous !
Le vent, encor le vent, toujours ce vent qui souffle
En nous tournant la tête et qui nous pousse à bout.
L’on ne va plus sortir jusqu’à ce qu’il s’essouffle…
Un vent ensorcelé, un vent en sarabande
Tout chevauché d’éclairs, qui dévale du Nord !
Un vent cyclopéen, gigantesque, et qui bande
Ses forces de titan pour nous broyer le corps.