Un brave homme d’antan, Eloi le charretier,
Grommelait chaque fois qu’il devait emprunter
Un chemin caillouteux au-dessus de Vachères* :
Ca le faisait pester, tout comme ses confrères
Qui y devaient passer. Surtout ce coin maudit
En haut de la colline ! Ils ne le franchissaient
Qu’après cris et jurons : la maudite anicroche,
C’était l’affleurement d’une satanée roche !
Un jour les charretiers enfin se décidèrent
A la déraciner ! Aussitôt ils creusèrent,
S’échinant et soufflant comme taureaux en rût…
Puis ils restèrent cois, croyant avoir trop bu :
Voici qu’apparaissait une tête de pierre,
Puis un homme en entier, couché face à la terre !
De l’époque d’Auguste ! Un beau soldat romain
Tout armé, réaliste, auquel ne manquait rien
Qu’un minuscule bout de son nez vénérable !
Un bel homme, ma foi ! A l’air grave et aimable,
Un vrai Celto-Ligure, au collier bien gaulois,
Un peu échevelé ! Ainsi que notre Eloi,
Ebahi, bouche bée comme ses compagnons…
Et la statue s’en fut au musée d’Avignon !
*Poème dédié au village de Vachères