Je déteste rêver car je rêve toujours
D’une grande maison, nue et emplie de vide ;
Presque-ruine chenue dont les pierres livides
S’effritent sous un ciel lisse comme un velours.
Partout environné d’un néant silencieux,
C’est un austère bloc, sans beaucoup d’ouvertures,
Aux murs frôlant le ciel et dont la démesure
N’est pas de notre monde. Un lieu honni des Dieux !.
C’est pourtant le Midi tel qu’il est en hiver
Au fin-fond du maquis, pelé et verglassé.
Mais ce mas, je le sens, est un monde glacé
Et je crois y sentir la morsure de l’air
Qui me fait frissonner quand j’en franchis le seuil.
Tout est blanc, aveuglant, sans un souffle de vie ;
Sans doute inhabité depuis des décennies,
Il est monumental. Un immense cercueil !
Il n’y a pas un meuble et tout y est si nu
Qu’on y entend l’écho de mon coeur qui y bat.
Sur le sol poussiéreux, la trace de mes pas
Laisse comme un chemin sur la terre battue.
Ma solitude alors est si insupportable
Que je m’éveille enfin, pétrifiée de terreur,
Et je reste longtemps submergée par l’horreur,
Comme si j’avais vu un monde abominable…