Poème illustré par un tableau de :
Hippolyte Flandrin
(1809-1864)
Assis sur un muret, il cisèle un morceau
De bois pour s’occuper… Sur sa nuque bouclée,
La brise soulevant ses mèches emmêlées
Les a ébouriffées. Le garçon est très beau,
Autant qu’un pâtre grec. Sur sa peau basanée,
Des perles de cristal – il a chaud ! dégoulinent :
Un trop plein d’émotion ? Sa tête dodeline
Au rythme étourdissant de la danse effrénée
Diffusée par son poste. Il a le regard clair
Comme le ciel cobalt, au lointain, sur les Monges.
La nuit s’en va venir. L’ombre du soir s’allonge
Comme un pan de velours sur l’épais tapis vert
Et teinte d’indigo l’herbe drue de l’alpage.
Musculeux et bronzé, sculpté dans du bois dur,
Il a mis son fusil sur l’arête du mur
Enclosant ses moutons. Il a vraiment la rage
Et n’hésitera pas : s’il entrevoit le loup,
C’est sûr, il tirera ! Mais pour l’instant, il chante,
Oubliant un moment l’animal fou qui hante
Sa montagne violée… Vient l’heure du filou.
L’homme éteint sa radio. Tout aussi immobile
Qu’une statue de fer, pieds posés sur son chien,
Il inspecte la nuit dont il n’attend trop rien
Mais qui, en l’enserrant, s’est soudain faite hostile…