Poème illustré par un tableau de :
Berthe Morisot
(1841-1895)
Dans un coin du salon, un très joli berceau.
Ce n’est pas bien sa place, Ariane le concède ;
C’est même un peu idiot, mais tant pis ! Elle cède
Au bonheur de le voir, qui clame fort et haut
Qu’un bébé tout nouveau va éclore bientôt.
C’est un meuble d’antan qui vient de sa famille ;
Comme rien n’est trop beau pour sa petite fille,
Elle l’a surchargé de jolis affutiaux :
Edredon bien dodu fait d’un précieux boutis
Assemblé par sa mère ; oreiller de dentelle
Offert fort gentiment par sa tante Murielle ;
Couverture en cashmere, et tutti, et quanti…
Ariane qui sourit balance la nacelle.
Chantant entre ses dents une vieille romance,
Elle rêve à l’enfant qu’elle berce en cadence.
Enorme et déformée, elle est pourtant si belle !
Et puis Bébé remue ; Ariane sent son ventre
Qui s’agite soudain en formant comme une onde.
Elle ne bouge plus, et le centre du monde
Est non loin de son coeur. La vie qui s’y concentre
Y bat tout doucement, toute prête à jaillir.
Demain, après-demain ? Nul ne saurait le dire…