L’autre jour à Marseille un baiser s’est perdu :
Envoyé par hasard du Quai 3 de la gare,
Comme le train partait, il eût été bizarre
Qu’il atteignît son but… Voici donc qu’il n’est plus
Qu’un tout petit baiser qui erre dans les rues,
Dérouté, malheureux, cherchant à se poser
Sur ces endroits plaisants pour lesquels il est né :
Un petit coin de peau, petit coin de peau nue…
Mais l’on est en hiver : on s’est emmitouflé,
D’autant que le mistral depuis une semaine
Est comme déchaîné. Le baiser à la peine
Et de plus en plus las commence à décliner…
Yolande Laurencin, danseuse quarteronne,
Vient juste de sortir de la salle de sport.
Elle est grande, élancée, avec l’air et le port
Royaux et imposants d’une belle luronne…
Qui n’en peut vraiment plus : après ses entrechats,
Elle a tellement chaud qu’elle enlève sa veste,
Dénude son long cou ; et, gracieuse et preste,
Ouvre son chemisier sur de charmants appas.
Le baiser en péril sitôt se précipite
Pour aller se poser juste entre ces deux seins
Gonflés comme des fruits. Tout blotti, il est bien,
Ne comprenant pas trop cet émoi qui l’habite
Quand il saisit enfin où l’a mis le hasard.
Alors tout épaté d’avoir osé la chose,
Le baiser éperdu est devenu tout rose…
Question moralité, l’on verra bien plus tard !