Sur un adret pentu de la Haute-Provence
Se dresse une maison fière de ses cent ans :
Le mas d’une famille qu’on dirait en dormance
Tant elle est peu loquace, et qui vit comme un clan.
Sous le vieux toit de tôle, une chambre en soupente
Etroite et oppressante, avec un lit de fer
Au matelas moisi. Le plafond gris en pente
L’enclôt bien tristement, quoiqu’un rai de lumière
Fuse du vasistas. C’est l’unique ouverture
Découpée sur le ciel griffé par la montagne ;
Le temps y a posé une fine guipure
De crasse indélébile et de toiles d’aragnes.
Pour qui vivrait ici, la vie serait très dure…
C’était pourtant le trou d’un vieil homme, oublié
Dans le lit trop étroit appuyé sur le mur
Humide et salpêtré. A la fin il n’était
Plus qu’un très vieux papet usé et inutile,
Malade et solitaire, affaibli, mal nourri
De quelques bols de soupe arrosée d’un peu d’huile
Et de quignons de pain. Un pauvre homme vieilli
Ne servant plus à rien – qu’à lasser ses enfants !
Il est donc mort tout seul… Mais, depuis, impossible
D’entrer dans le grenier, tant ce qu’on y ressent
Et qui vous point le coeur confine à l’indicible !
L’ambiance y est glacée, les murs suintent la peur ;
L’on sent autour de soi rôder l’ombre angoissante
D’un vieillard pathétique abandonné à l’heure
Où il avait besoin d’une main rassurante.
L’atmosphère est si lourde, empeste tant la mort,
Qu’on n’ose plus monter dans la soupente hantée.
Et l’on dit que ces gens, rongés par le remords,
Vont vendre leur vieux mas pour loger au Lauzet.