Poème illustré par un tableau de :
John William Waterhouse
( 1849-1917)
Nageant entre deux eaux, une blonde sirène
Regarde au loin Marseille auréolé de bleu
Par le soleil levant. Un long serpent huileux
Ondule à ses côtés : une énorme murène,
Le poisson familier qui partout l’accompagne.
Mais la belle est distante. A l’Est, dans le lointain,
C’est la ville endormie dans le petit matin
Qui l’a désacccordée de sa laide compagne :
Car elle n’en peut plus du monde sous-marin,
Du liquide intangible où s’est ancrée sa vie ;
Elle se meurt d’ennui, taraudée par l’envie
De rejoindre la Terre où vivent les Humains.
La murène voudrait qu’elles jouent, qu’elles nagent
Jusqu’aux grands fonds obscurs où gisent des trésors
Et les squelettes nus d’antiques marins morts…
Des courses effrénées, de lents vagabondages
Dans les champs d’algues bleues où dansent des poissons…
La sirène refuse, emmurée dans son rêve
Irréaliste et fou. Car là-bas, sur la grêve,
Il lui semble entrevoir le tout premier frisson
De la ville espérée qui peu à peu s’éveille.
Elle voudrait plonger et nager jusqu’au port,
Même si elle sait qu’elle y risque la mort.
Au dessus des flots bleus les nuées s’ensoleillent.