J’aimerais tellement qu’en ce presque printemps
Tous les gens soient heureux ; que pour un temps le temps
Ralentisse sa course effroyable, ou qu’il cesse,
Un peu plus adouci, d’accroître la détresse
De ceux qui sont au bout d’un bien trop court destin ;
Qu’il les aide à jouir de tous ces frais matins
Où le soleil repeint de ses doigts d’or les roses,
Quand il sait embraser en tous lieux toute chose,
Aussi frais et pimpant qu’un jeune damoiseau ;
Rien n’y est plus charmant qu’entendre les oiseaux,
Revigorés de neuf par la saison nouvelle,
Siffloter au matin leur jolie ritournelle
Quand les fleurs rénovées entonnent leur doux chant
Vibrant et coloré ; quand les bois et les champs
Se pointillent de vert dans la blanche lumière
Effaçant sous ses rais tout un monde de pierre :
Et puis je voudrais tant, je voudrais tellement
Que le temps ne sépare jamais les amants !
Qu’il n’y en ait point trop que le printemps oublie
Dans leur triste parcours que la mélancolie
Peint en noir et en gris tant ils se sentent seuls ;
Que le soleil tout neuf embrase le linceul
Où ils sont enfermés d’un geyser d’étincelles
Pétillant de bonheur, fusant en ribambelles…